jeudi 30 août 2012

Echoes of voices in the high Towers

Echoes of voices in the high towers
All wounds explained
Here all knives bandaged
All empires arrested
All castles unbuilt
All hearts unbroken

All our splendid monuments
Lipstick traces on a cigarette
The light comes up on only land
Forest here once
Forest here again


Robert Montgomery 2012

source ici

mardi 14 août 2012

A celle qui est trop gaie

Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.

Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.

Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.

Ces robes folles sont l'emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t'aime !

Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein ;

Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon coeur,
Que j'ai puni sur une fleur
L'insolence de la Nature.

Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,

Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,

Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur !

C. Baudelaire

mercredi 8 août 2012

La blanche neige

Les anges les anges dans le ciel
    L'un est vêtu en officier
    L'un est vêtu en cuisinier
    Et les autres chantent

    Bel officier couleur du ciel
    Le doux printemps longtemps après Noël
    Te médaillera d'un beau soleil
    D'un beau soleil

    Le cuisinier plume les oies
    Ah ! tombe neige
    Tombe et que n'ai-je
    Ma bien-aimée entre mes bras

Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)

lundi 6 août 2012

La bel amour


Partir ainsi, ça c’est une aventure :
ils étaient seuls sur le petit rocher ;
pas une mouche et la rêche nature
était tout’ seule avec eux accrochés.
Oui zaccrochés sur un picot de pierre,
tout seuls au monde et je l’ai déjà dit
tout seuls au monde et seuls avec des pierres,
tout seuls au monde et je l’ai déjà dit.
Partir ainsi, c’est un fameux voyage.
Voilà ti pas que tout s’met à bouger.
Ca boug’ d’abord comme un petit nuage
et puis ça boug’, comme un’ mer enragée.
Tout seuls au monde et je l’ai déjà dit,
l’homme et la fill’ sur la petite roche
tourbillonnants comm’ du vent dans un’ cloche
mont’ en plein ciel et sont au paradis.
C’est vert, c’est roug’, c’est bleu le paradis ;
ça sent les ang’ mais on n’y voit personne.
On peut siffler, crier comm’ des maudits,
On peut gueuler, i’a rien qui résonne.
Qu’est-c’ qu’in va faire ? On enfonc’ dans les v’lours.
I’ fait trop chaud, si on ôtait sa ch’mise ?
I’ a personn’.
Si on s’donnait des bises,
Si on s’couchait ? Si on faisait l’amour ?
On fait l’amour et ça dure et ça dure.
Quand c’est fini, on recommence encore.
L’amour au ciel, ça c’est une aventure ;
Quand c’est fini, on recommence encore.
On fait l’amour ; les soleils peuv’ crouler ;
C’est bien trop bon pour déjà qu’on s’arrête
- Julot, j’voudrais mourir sans m’réveiller.
- Mimi, jamais j’ai tant perdu la tête.
Eux qui croyaient qu’i zétaient seuls au monde,
I’ rest’ cent ans à boir’ la bel amour.
Cent ans ça fait comme un long train qui gronde.
Pour eux ça pass’ comme un petit tambour.
Eux qui croyaient qu’i z’étaient seuls au monde,
Les séraphins sont là pour les zyeuter,
Les séraphins autour d’eux font des rondes
Et n’ont pas d’fleurs assez pour leur jeter.
Tout nus, tout chauds sur des mat’las d’étoiles,
Tout jeun’, tout beaux, sans chemise et sans voiles,
Deux p’tits oiseaux bien au doux dans leur nid
Et pour toujours au milieu d’l’infini.

C’est depuis lors que les ang’ sont si tristes
C’est depuis lors qu’au ciel, ça pleur’, les chants,
C’est depuis lors que tant d’malheur existe,
C’est depuis lors que Dieu est si méchant.

Norge

samedi 4 août 2012

Nostalgie du présent

A ce moment précis l’homme se dit:
Que ne donnerais-je pas pour le bonheur
d’être en Islande à tes côtés
sous le grand jour immobile
et de partager l’instant présent
comme on partage la musique
ou le goût d’un fruit.
A ce moment précis
l’homme était en Islande à côté d’elle.

Jorge Luis Borges (1899-1986) – Le Chiffre (La Cifra, 1981) – traduction et source ici

mercredi 1 août 2012

La chambre dans l’espace

Tel le chant du ramier quand l’averse est prochaine – L’air se poudre de pluie, de soleil revenant –, je m’éveille lavé, je fonds en m’élevant ; je vendange le ciel novice.

Allongé contre toi, je meus ta liberté. Je suis un bloc de terre qui réclame sa fleur.

Est-il gorge menuisée plus radieuse que la tienne ? Demander c’est mourir !

L’aile de ton soupir met un duvet aux feuilles. Le trait de mon amour ferme ton fruit, le boit.

Je suis dans la grâce de ton visage que mes ténèbres couvrent de joie.

Comme il est beau ton cri qui me donne ton silence !


René Char, In Les Matinaux, La Parole en archipel, © La Pléiade, p.372
source ici