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lundi 29 octobre 2012
Ici-bas pas de consolation
Personne ne sera ma bordure de chemin.
Laisse seulement tes fleurs se faner.
Mon chemin coule et va tout seul.
Deux mains sont une trop petite coupe.
Un coeur est une trop petite colline
pour y reposer.
Oh, toi, je vis toujours sur la plage
et sous l'avalanche des fleurs de la mer;
l'Égypte s'étale devant mon coeur,
l'Asie pointe peu à peu.
L'un de mes bras est toujours dans le brasier.
Cendre est mon sang. Passant devant
poitrine et ossements
je sanglote toujours mon désir d'îles tyrrhéniennes
Une vallée apparaît et des peupliers blancs
un Ilyssos aux rives de prairies,
l'Éden, Adam et une terre
de nihilisme et de musique.
Gottfried Benn – (Hier ist kein Trost, 1913)
source ici
jeudi 11 octobre 2012
La chanson des ingénues
- Nous sommes les Ingénues
- Aux bandeaux plats, à l'oeil bleu,
- Qui vivons, presque inconnues,
- Dans les romans qu'on lit peu.
- Nous allons entrelacées,
- Et le jour n'est pas plus pur
- Que le fond de nos pensées,
- Et nos rêves sont d'azur ;
- Et nous courons par les prés
- Et rions et babillons
- Des aubes jusqu'aux vesprées,
- Et chassons aux papillons ;
- Et des chapeaux de bergères
- Défendent notre fraîcheur
- Et nos robes - si légères -
- Sont d'une extrême blancheur ;
- Les Richelieux, les Caussades
- Et les chevaliers Faublas
- Nous prodiguent les oeillades,
- Les saluts et les "hélas !"
- Mais en vain, et leurs mimiques
- Se viennent casser le nez
- Devant les plis ironiques
- De nos jupons détournés ;
- Et notre candeur se raille
- Des imaginations
- De ces raseurs de muraille,
- Bien que parfois nous sentions
- Battre nos coeurs sous nos mantes
- À des pensers clandestins,
- En nous sachant les amantes
- Futures des libertins.
- Verlaine
mercredi 10 octobre 2012
poème
Nos défaites ne prouvent rien
Quand ceux qui luttent contre l’injustice
Montrent leurs visages meurtris
Grande est l’impatience de ceux
Qui vivent en sécurité.
Montrent leurs visages meurtris
Grande est l’impatience de ceux
Qui vivent en sécurité.
De quoi vous plaignez-vous ? demandent-ils
Vous avez lutté contre l’injustice !
C’est elle qui a eu le dessus,
Alors taisez-vous
Vous avez lutté contre l’injustice !
C’est elle qui a eu le dessus,
Alors taisez-vous
Qui lutte doit savoir perdre !
Qui cherche querelle s’expose au danger !
Qui professe la violence
N’a pas le droit d’accuser la violence !
Qui cherche querelle s’expose au danger !
Qui professe la violence
N’a pas le droit d’accuser la violence !
Ah ! Mes amis
Vous qui êtes à l’abri
Pourquoi cette hostilité ? Sommes-nous
Vos ennemis, nous qui sommes les ennemis de l’injustice ?
Vous qui êtes à l’abri
Pourquoi cette hostilité ? Sommes-nous
Vos ennemis, nous qui sommes les ennemis de l’injustice ?
Quand ceux qui luttent contre l’injustice sont vaincus
L’injustice passera-t-elle pour justice ?
Nos défaites, voyez-vous,
Ne prouvent rien, sinon
Que nous sommes trop peu nombreux
À lutter contre l’infamie,
Et nous attendons de ceux qui regardent
Qu’ils éprouvent au moins quelque honte.
L’injustice passera-t-elle pour justice ?
Nos défaites, voyez-vous,
Ne prouvent rien, sinon
Que nous sommes trop peu nombreux
À lutter contre l’infamie,
Et nous attendons de ceux qui regardent
Qu’ils éprouvent au moins quelque honte.
Bertolt Brecht
mardi 9 octobre 2012
Hymne à l'amitié
On ne sait pas ce que ce que c'est que l'amitié.
On n'a dit que des sottises là-dessus. Quand je suis seul, je n'atteins jamais à la certitude où je suis maintenant. Je crains la mort. Tout mon courage contre le monde n'aboutit qu'à un défi.
Mais, en ce moment je suis tranquille.
Nous deux, comme nous sommes là, en bécane, sur cette route, avec ce soleil, avec cette âme, voilà qui justifie tout, qui me console de tout.
N'y aurait-il que cela dans ma vie, que je ne la jugerais ni sans but, ni même périssable.
Et n'y aurait-il que cela, à cette heure dans le monde, que je ne jugerais le monde ni sans bonté, ni sans Dieu.
Lorsqu'un fils de l'homme connait un seul jour cette plénitude, il n'a rien à dire contre son destin.
On n'a dit que des sottises là-dessus. Quand je suis seul, je n'atteins jamais à la certitude où je suis maintenant. Je crains la mort. Tout mon courage contre le monde n'aboutit qu'à un défi.
Mais, en ce moment je suis tranquille.
Nous deux, comme nous sommes là, en bécane, sur cette route, avec ce soleil, avec cette âme, voilà qui justifie tout, qui me console de tout.
N'y aurait-il que cela dans ma vie, que je ne la jugerais ni sans but, ni même périssable.
Et n'y aurait-il que cela, à cette heure dans le monde, que je ne jugerais le monde ni sans bonté, ni sans Dieu.
Lorsqu'un fils de l'homme connait un seul jour cette plénitude, il n'a rien à dire contre son destin.
Jules Romains (extrait de Les copains)
lundi 8 octobre 2012
LE JUGEMENT ORIGINEL (extrait)
Forme tes yeux en les fermant.
Donne aux rêves que tu as oubliés
la valeur de ce que tu ne connais pas.
J'ai connu trois lampistes,
cinq garde-barrières femmes,
un garde-barrière homme.
Et toi?
Ne prépare pas
les mots que tu cries.
Habite les maisons abandonnées.
Elles n'ont été habitées que par toi.
Fais
un lit de caresses
à tes caresses.
S'ils frappent
à ta porte,
écris
tes dernières volontés
avec la clé.
Règle ta marche sur les orages
VOle
le sens
au sOn,
il y a des tambours voilés
jusque dans les robes claires.
PARLE SELON LA FOLIE QUI T'A SÉDUIT.
Fais-leur la surprise de ne pas confondre
le futur du verbe avoir avec le passé du verbe être.
Couche-toi,
lève-toi
et maintenant couche-toi.
Aie l'âge de ce vieux corbeau qui dit: VINGT ANS
CoRRige Tes parentS
Veux-tu avoir à la fois le plus petit et le plus inquiétant livre du monde?
Fais relier les timbres de tes lettres d'amour et pleure,
il y a malgré tout de quoi.
Ta liberté
avec laquelle
tu me fais rire
aux larmes
est TA LIBERTÉ
Tu prends la troisième rue à droite,
puis la première à gauche,
tu arrives sur une place,
tu tournes près du café que tu sais,
tu prends la première rue à gauche,
puis la troisième rue à droite,
tu jettes ta statue par terre et tu restes.
Fais-moi le plaisir
d'entrer et de sortir
sur la pointe
des pieds.
Ne garde pas sur toi ce qui ne blesse pas le bon sens
Paul Éluard
L'Immaculée conception, 1930
Donne aux rêves que tu as oubliés
la valeur de ce que tu ne connais pas.
J'ai connu trois lampistes,
cinq garde-barrières femmes,
un garde-barrière homme.
Et toi?
Ne prépare pas
les mots que tu cries.
Habite les maisons abandonnées.
Elles n'ont été habitées que par toi.
Fais
un lit de caresses
à tes caresses.
S'ils frappent
à ta porte,
écris
tes dernières volontés
avec la clé.
Règle ta marche sur les orages
VOle
le sens
au sOn,
il y a des tambours voilés
jusque dans les robes claires.
PARLE SELON LA FOLIE QUI T'A SÉDUIT.
Fais-leur la surprise de ne pas confondre
le futur du verbe avoir avec le passé du verbe être.
Couche-toi,
lève-toi
et maintenant couche-toi.
Aie l'âge de ce vieux corbeau qui dit: VINGT ANS
CoRRige Tes parentS
Veux-tu avoir à la fois le plus petit et le plus inquiétant livre du monde?
Fais relier les timbres de tes lettres d'amour et pleure,
il y a malgré tout de quoi.
Ta liberté
avec laquelle
tu me fais rire
aux larmes
est TA LIBERTÉ
Tu prends la troisième rue à droite,
puis la première à gauche,
tu arrives sur une place,
tu tournes près du café que tu sais,
tu prends la première rue à gauche,
puis la troisième rue à droite,
tu jettes ta statue par terre et tu restes.
Fais-moi le plaisir
d'entrer et de sortir
sur la pointe
des pieds.
Ne garde pas sur toi ce qui ne blesse pas le bon sens
Paul Éluard
L'Immaculée conception, 1930
mardi 2 octobre 2012
C'est trop facile
C'est trop facile d'entrer aux églises
De déverser toute sa saleté
Face au curé qui dans la lumière grise
Ferme les yeux pour mieux nous pardonner
Tais-toi donc, grand Jacques
Que connais-tu du Bon Dieu
Un cantique, une image
Tu n'en connais rien de mieux
C'est trop facile quand les guerres sont finies
D'aller gueuler que c'était la dernière
Ami bourgeois vous me faites envie
Vous ne voyez donc point vos cimetières?
Tais-toi donc grand Jacques
Laisse-les donc crier
Laisse-les pleurer de joie
Toi qui ne fus même pas soldat
C'est trop facile quand un amour se meurt
Qu'il craque en deux parce qu'on l'a trop plié
D'aller pleurer comme les hommes pleurent
Comme si l'amour durait l'éternité
Tais-toi donc grand Jacques
Que connais-tu de l'amour
Des yeux bleus, des cheveux fous
Tu n'en connais rien du tout
Et dis-toi donc grand Jacques
Dis-le-toi bien souvent
C'est trop facile,
C'est trop facile,
De faire semblant.
De déverser toute sa saleté
Face au curé qui dans la lumière grise
Ferme les yeux pour mieux nous pardonner
Tais-toi donc, grand Jacques
Que connais-tu du Bon Dieu
Un cantique, une image
Tu n'en connais rien de mieux
C'est trop facile quand les guerres sont finies
D'aller gueuler que c'était la dernière
Ami bourgeois vous me faites envie
Vous ne voyez donc point vos cimetières?
Tais-toi donc grand Jacques
Laisse-les donc crier
Laisse-les pleurer de joie
Toi qui ne fus même pas soldat
C'est trop facile quand un amour se meurt
Qu'il craque en deux parce qu'on l'a trop plié
D'aller pleurer comme les hommes pleurent
Comme si l'amour durait l'éternité
Tais-toi donc grand Jacques
Que connais-tu de l'amour
Des yeux bleus, des cheveux fous
Tu n'en connais rien du tout
Et dis-toi donc grand Jacques
Dis-le-toi bien souvent
C'est trop facile,
C'est trop facile,
De faire semblant.
Jacques Brel
mercredi 26 septembre 2012
Aube
J'ai embrassé l'aube d'été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. À la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Rimbaud, Illuminations
Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. À la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Rimbaud, Illuminations
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