mardi 31 janvier 2012

Les Colchiques


Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)

lundi 30 janvier 2012

La vie quotidienne


Les humains apprirent à se modérer
c’est pourquoi on les nomma médiocres.
Ils allaient déjeuner à midi,
remplissaient, satisfaits, leur devoir,
dormaient la nuit de bon cœur dans leurs jolis
lits, et le lendemain vivaient
le même cours bien ordonné des
choses et les chemins de fer s’élançaient
avec une vélocité d’airain sur des rails
qui reluisaient bleutés dans le soleil, vers les
lointains, pour atteindre telle
ou telle contrée selon l’horaire.
Filles et garçons s’aimaient mécaniquement,
mari et femme essayaient de se ressaisir ;
les bambins sautillaient sagement à l’école,
et les banques publiaient chaque année
les relevés de leurs bénéfices nets.
Pour éviter, à l’étourdie, de prendre feu,
je me maîtrisai moi aussi toujours mieux.

Das tägliche Leben

Die Menschen eigneten sich Mässigkeit
an, und drum nannte man si mittelmässig.
Um zwölf Uhr gingen si zum Mittagessen,
verrichteten zufrieden ihre Pflicht,
um nachts vergnügliche in den netten Betten
zu schlafen und am andern Tag denselben
geordneten Verlauf der Dinge zu
erleben, und die Eisenbahnen sprangen
mit eherner Behendigkeit auf Schienen,
die in der Sonne bläulich glänzten, in
die Ferne, um sich fahrplanhaft in dieser
oder in jener Gegend einzufinden.
Mechanisch liebten Mädchen sich und Jüngling,
und Mann und Frau versuchten sich zu fassen ;
Kinderchen hüpften folgsam in die Schule,
und Banken kündigten jeweilen jährlich
die Reingewinnserheblichkeiten an.
Um mich nicht unbesonnen zu entflammen,
nahm nun auch ich mich mehr und mehr zusammen.

Robert Walser

samedi 28 janvier 2012

Conte


Un Prince était vexé de ne s'être employé jamais qu'à la perfection des générosités vulgaires. Il prévoyait d'étonnantes révolutions de l'amour, et soupçonnait ses femmes de pouvoir mieux que cette complaisance agrémentée de ciel et de luxe. Il voulait voir la vérité, l'heure du désir et de la satisfaction essentiels. Que ce fût ou non une aberration de piété, il voulut. Il possédait au moins un assez large pouvoir humain.
Toutes les femmes qui l'avaient connu furent assassinées. Quel saccage du jardin de la beauté ! Sous le sabre, elles le bénirent. Il n'en commanda point de nouvelles.— Les femmes réapparurent.
Il tua tous ceux qui le suivaient, après la chasse ou les libations. — Tous le suivaient.
Il s'amusa à égorger les bêtes de luxe. Il fit flamber les palais. Il se ruait sur les gens et les taillait en pièces. — La foule, les toits d'or, les belles bêtes existaient encore.
Peut-on s'extasier dans la destruction, se rajeunir par la cruauté ! Le peuple ne murmura pas. Personne n'offrit le concours de ses vues.
Un soir il galopait fièrement. Un Génie apparut, d'une beauté ineffable, inavouable même. De sa physionomie et de son maintien ressortait la promesse d'un amour multiple et complexe ! d'un bonheur indicible, insupportable même ! Le Prince et le Génie s'anéantirent probablement dans la santé essentielle. Comment n'auraient-ils pas pu en mourir ? Ensemble donc ils moururent.
Mais ce Prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. Le prince était le Génie. Le Génie était le Prince.
La musique savante manque à notre désir.






Rimbaud, in "Illuminations'

jeudi 26 janvier 2012

Pour écrire un seul vers

Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas ( c’était une joie faite pour un autre ), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.

Rainer Maria Rilke (1875-1926) – Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910)

mercredi 25 janvier 2012

Par Usura


Par Usura n’ont les hommes maison de pierre saine 
blocs lisses finement taillés scellés pour que 
la frise couvre leur surface 
par usura 
n’ont les hommes paradis peint au mur de leurs églises 
« harpes et luz » 
où la vierge fait accueil au message 
où le halo rayonne en entrailles 
par usura 
n’aura Gonzague d’héritier concubine 
n’aura de portrait peint pour durer orner la vie 
mais le tableau fait pour vendre vendre vite 
par usura péché contre nature 
sera ton pain de chiffes encore plus rance 
sera ton pain aussi sec que papier 
sans blé de la montagne farine pure 
par usura la ligne s’épaissit 
par usura n’est plus de claire démarcation 
les hommes n’ont plus site pour leurs demeures 
Et le tailleur est privé de sa pierre 
le tisserand de son métier 
 
PER USURA 
la laine déserte les marchés 
le troupeau perte pure par usura. 
Usura est murène, usura 
use l’aiguille aux doigts de la couseuse 
suspend l’adresse de la fileuse. Pietro Lombardo 
n’est pas fils d’usura 
n’est pas fils d’usura Duccio 
ni Pier della Francesca ; ni Zuan Bellin’ 
ni le tableau « la Callunia » 
N’est pas œuvre d’usura Angelico ; ni Ambrogio Praedis 
ni l’église de pierre signature d’Adamo me fecit 
Ni par usura St Trophime 
Ni pas usura Saint Hilaire, 
Usura rouille le ciseau 
rouille l’art l’artiste 
Rogne fil sur le métier 
Nul n’entrecroise l’or sur son modèle ; 
L’azur se chancre par usura ; le cramoisi s’éraille 
L’émeraude cherche son Memling 
Usura assassine l’enfant au sein 
Entrave la cour du jouvenceau 
Paralyse la couche, oppose 
le jeune époux son épousée 
               CONTRA NATURAM 
Ils ont mené des putains à Éleusis 
Les cadavres banquettent 
au signal d’usura. 
 
N.B. Usure : Loyer sur le pouvoir d’achat, imposé sans égard à la production ; souvent même sans égard aux possibilités de production. (D’où la faillitte de la banque Médicis).  
 
 
Ezra Pound, Les Cantos, Nouvelle édition revue et augmentée, sous la direction d’Yves di Manno, traductions de Jacques Darras, Yves di Manno, Philippe Mikriammos, Denis Roche et François Sauzey, coll. Mille et une Pages, Flammarion, 2002, pp. 250 et 251 

mardi 24 janvier 2012

Nous verrons

Le passé n'est rien dans la vie,
Et le présent est moins encor ;
C'est à l'avenir qu'on se fie
Pour donner joie et trésor.
Tout mortel dans ses yeux devance
Cet avenir où nous courrons ;
Le bonheur est espérance ;
On vit, en disant : nous verrons.

Mais cet avenir plein de charmes,
Qu'en est-il lorsqu'il est arrivé ?
C'est le présent qui, de nos larmes,
Matin et soir est abreuvé !
Aussitôt que s'ouvre la scène
Qu'avec ardeur nous désirons,
On bâille, on la regarde à peine ;
On vit, en disant : nous verrons.

Ce vieillard penche vers la terre :
Il touche à ses derniers instants ;
Y pense-t-il ? Non : il espère
Vivre encore soixante-dix ans.
Un docteur, fort d'expérience,
Veut lui prouver que nous mourrons ;
Le vieillard rit de la sentence
Et meurt, en disant : nous verrons.

Valère et Damis n'ont qu'une âme,
C'est le modèle des amis.
Valère en un malheur réclame
La bourse et les soins de Damis :
" Je viens à vous, ami si tendre,
Ou ce soir au fond des prisons...
- Quoi ! ce soir même ? - On peut attendre.
Revenez demain : nous verrons. "

Nous verrons est un mot magique
Qui sert dans tous les cas fâcheux.
Nous verrons, dit le politique ;
Nous verrons, dit le malheureux.
Les grands hommes de nos gazettes,
Les rois du jour, les fanfarons,
Les faux amis, les coquettes,
Tout cela vous dit : nous verrons.

François-René de CHATEAUBRIAND (1768-1848)

lundi 23 janvier 2012

Sonnet au lecteur



Jusqu'à présent, lecteur, suivant l'antique usage,
Je te disais bonjour à la première page.
Mon livre, cette fois, se ferme moins gaiement ;
En vérité, ce siècle est un mauvais moment.

Tout s'en va, les plaisirs et les moeurs d'un autre âge,
Les rois, les dieux vaincus, le hasard triomphant,
Rosafinde et Suzon qui me trouvent trop sage,
Lamartine vieilli qui me traite en enfant.

La politique, hélas ! voilà notre misère.
Mes meilleurs ennemis me conseillent d'en faire.
Être rouge ce soir, blanc demain, ma foi, non.

Je veux, quand on m'a lu, qu'on puisse me relire.
Si deux noms, par hasard, s'embrouillent sur ma lyre,
Ce ne sera jamais que Ninette ou Ninon.

A. de Musset: "Poésies nouvelles"

vendredi 20 janvier 2012

DÉLIRES I , VIERGE FOLLE, L'ÉPOUX INFERNAL.

Écoutons la confession d'un compagnon d'enfer :

"O divin Époux, mon Seigneur, ne refusez pas la confession de la plus triste de vos servantes. Je suis perdue. Je suis saoûle. Je suis impure. Quelle vie !

"Pardon, divin Seigneur, pardon ! Ah ! pardon ! Que de larmes ! Et que de larmes encore plus tard, j'espère !

"Plus tard, je connaîtrai le divin Époux ! Je suis née soumise à Lui. - L'autre peut me battre maintenant !

"À présent, je suis au fond du monde ! O mes amies !... non, pas mes amies... Jamais délires ni tortures semblables... Est-ce bête !

"Ah ! je souffre, je crie. Je souffre vraiment. Tout pourtant m'est permis, chargée du mépris des plus méprisables coeurs.

"Enfin, faisons cette confidence, quitte à la répéter vingt autres fois, - aussi morne, aussi insignifiante !

"Je suis esclave de l'Époux infernal, celui qui a perdu les vierges folles. C'est bien ce démon-là. Ce n'est pas un spectre, ce n'est pas un fantôme. Mais moi qui ai perdu la sagesse, qui suis damnée et morte au monde, - on ne me tuera pas ! - Comment vous le décrire ! Je ne sais même plus parler. Je suis en deuil, je pleure, j'ai peur. Un peu de fraîcheur, Seigneur, si vous voulez, si vous voulez bien !

"Je suis veuve... - J'étais veuve... - mais oui, j'ai été bien sérieuse jadis, et je ne suis pas née pour devenir squelette !... - Lui était presque un enfant... Ses délicatesses mystérieuses m'avaient séduite. J'ai oublié tout mon devoir humain pour le suivre. Quelle vie ! La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde. Je sais où il va, il le faut. Et souvent il s'emporte contre moi, moi, la pauvre âme. Le Démon ! - c'est un Démon, vous savez, ce n'est pas un homme.

"Il dit : "Je n'aime pas les femmes. L'amour est à réinventer, on le sait. Elles ne peuvent plus que vouloir une position assurée. La position gagnée, coeur et beauté sont mis de côté : il ne reste que froid dédain, l'aliment du mariage aujourd'hui. Ou bien je vois des femmes, avec les signes du bonheur, dont, moi, j'aurai pu faire de bonnes camarades dévorées tout d'abord par des brutes sensibles comme des bûchers..."

"Je l'écoute faisant de l'infamie une gloire, de la cruauté un charme. "Je suis de race lointaine : mes pères étaient Scandinaves : ils se perçaient les côtes, buvaient leur sang. - Je me ferai des entailles partout le corps, je me tatouerai, je veux devenir hideux comme un Mongol : tu verras, je hurlerai dans les rues. Je veux devenir bien fou de rage. Ne me montre jamais de bijoux, je ramperais et me tordrais sur le tapis. Ma richesse, je la voudrais tachée de sang partout. Jamais je ne travaillerai... " Plusieurs nuits, son démon me saisissant, nous nous roulions, je luttais avec lui ! - Les nuits, souvent, ivre, il se poste dans des rues ou dans des maisons, pour m'épouvanter mortellement. - "On me coupera vraiment le cou ; ce sera dégoûtant." Oh ! ces jours où il veut marcher avec l'air du crime !

"Parfois il parle, en une façon de patois attendri, de la mort qui fait repentir, des malheureux qui existent certainement, des travaux pénibles, des départs qui déchirent les coeurs. Dans les bouges où nous nous enivrions, il pleurait en considérant ceux qui nous entouraient, bétail de la misère. Il relevait les ivrognes dans les rues noires. Il avait la pitié d'une mère méchante pour les petits enfants. - Il s'en allait avec des gentillesses de petite fille au catéchisme. - Il feignait d'être éclairé sur tout, commerce, art, médecine. - Je le suivais, il le faut !

"Je voyais tout le décor dont, en esprit, il s'entourait ; vêtements, draps, meubles : je lui prêtais des armes, une autre figure. Je voyais tout ce qui le touchait, comme il aurait voulu le créer pour lui. Quand il me semblait avoir l'esprit inerte, je le suivais, moi, dans des actions étranges et compliquées, loin, bonnes ou mauvaises : j'étais sûre de ne jamais entrer dans son monde. À côté de son cher corps endormi, que d'heures des nuits j'ai veillé, cherchant pourquoi il voulait tant s'évader de la réalité. Jamais homme n'eût pareil voeu. Je reconnaissais, - sans craindre pour lui, - qu'il pouvait être un sérieux danger dans société. - Il a peut-être des secrets pour changer la vie ? Non, il ne fait qu'en chercher, me répliquais-je. Enfin sa charité est ensorcelée, et j'en suis la prisonnière. Aucune autre âme n'aurait assez de force, - force de désespoir ! - pour la supporter, - pour être protégée et aimée par lui. D'ailleurs, je ne me le figurais pas avec une autre âme : on voit son Ange, jamais l'Ange d'un autre, - je crois. J'étais dans son âme comme dans un palais qu'on a vidé pour ne pas voir une personne si peu noble que vous : voilà tout. Hélas ! je dépendais bien de lui. Mais que voulait-il avec mon existence terne et lâche ? Il ne me rendait pas meilleure, s'il ne me faisait pas mourir ! Tristement dépitée, je lui dis quelquefois : "Je te comprends." Il haussait les épaules.

"Ainsi, mon chagrin se renouvelant sans cesse, et me trouvant plus égarée à ses yeux, - comme à tous les yeux qui auraient voulu me fixer, si je n'eusse été condamnée pour jamais à l'oubli de tous ! - j'avais de plus en plus faim de sa bonté. Avec ses baisers et ses étreintes amies, c'était bien un ciel, un sombre ciel, où j'entrais, et où j'aurais voulu être laissée, pauvre, sourde, muette, aveugle. Déjà j'en prenais l'habitude. Je nous voyais comme deux bons enfants, libres de se promener dans le Paradis de tristesse. Nous nous accordions. Bien émus, nous travaillions ensemble. Mais, après une pénétrante caresse, il disait : "Comme ça te paraîtra drôle, quand je n'y serai plus, ce par quoi tu as passé. Quand tu n'auras plus mes bras sous ton cou, ni mon coeur pour t'y reposer, ni cette bouche sur tes yeux. Parce qu'il faudra que je m'en aille, très-loin, un jour. Puis il faut que j'en aide d'autres : c'est mon devoir. Quoique ce ne soit guère ragoûtant... , chère âme... " Tout de suite je me pressentais, lui parti, en proie au vertige, précipitée dans l'ombre la plus affreuse : la mort. Je lui faisais promettre qu'il ne me lâcherait pas. Il l'a faite vingt fois, cette promesse d'amant. C'était aussi frivole que moi lui disant : "Je te comprends."

"Ah ! je n'ai jamais été jalouse de lui. Il ne me quittera pas, je crois. Que devenir ? Il n'a pas une connaissance ; il ne travaillera jamais. Il veut vivre somnambule. Seules, sa bonté et sa charité lui donneraient-elles droit dans le monde réel ? Par instants, j'oublie la pitié où je suis tombée : lui me rendra forte, nous voyagerons, nous chasserons dans les déserts, nous dormirons sur les pavés des villes inconnues, sans soins, sans peines. Ou je me réveillerai, et les lois et les moeurs auront changé, - grâce à son pouvoir magique, - le monde, en restant le même, me laissera à mes désirs, joies, nonchalances. Oh ! la vie d'aventures qui existe dans les livres des enfants, pour me récompenser, j'ai tant souffert, me la donneras-tu ? Il ne peut pas. J'ignore son idéal. Il m'a dit avoir des regrets, des espoirs : cela ne doit pas me regarder. Parle-t-il à Dieu ? Peut-être devrais-je m'adresser à Dieu. Je suis au plus profond de l'abîme, et je ne sais plus prier.

"S'il m'expliquait ses tristesses, les comprendrai-je plus que ses railleries ? Il m'attaque, il passe des heures à me faire honte de tout ce qui m'a pu toucher au monde, et s'indigne si je pleure.

"- Tu vois cet élégant jeune homme, entrant dans la belle et calme maison : il s'appelle Duval, Dufour, Armand, Maurice, que sais-je ? Une femme s'est dévouée à aimer ce méchant idiot : elle est morte, c'est certes une sainte au ciel, à présent. Tu me feras mourir comme il a fait mourir cette femme. C'est notre sort à nous, coeurs charitables... " Hélas ! Il avait des jours où tous les hommes agissant lui paraissaient les jouets de délires grotesques : il riait affreusement, longtemps. - Puis, il reprenait ses manières de jeune mère, de soeur aimée. S'il était moins sauvage, nous serions sauvés ! Mais sa douceur aussi est mortelle. Je lui suis soumise. - Ah ! je suis folle !

"Un jour peut-être il disparaîtra merveilleusement ; mais il faut que je sache, s'il doit remonter à un ciel, que je voie un peu l'assomption de mon petit ami !"

Drôle de ménage !

Arthur Rimbaud, Extr. Une saison en enfer, avril-août 1873.

jeudi 19 janvier 2012

Poème


L’éclair tue
retourne les yeux
la joie
efface
la joie

effacée
vitre de mort
glacée
ô vitre
resplendissante
d’un éclat qui se brise
dans l’ombre qui se fait

je suis
ce qui n’est pas
j’ouvre

les dents mêlées
des morts
et les grincements de la lumière
qui m’enivre
de l’étreinte
qui s’étouffe
de l’eau
qui pleure
de l’air mort
et de l’âme de l’oubli

mais rien
je ne vois
rien
je ne ris plus
car à force de rire
je transparais.

Georges Bataille, L’Archangélique et autres poèmes, préface de Bernard Noël, Poésie/Gallimard, n° 419, 2008,p. 98 et 99

mercredi 18 janvier 2012

Union libre




Ma femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d'éclairs de chaleur
A la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de
dernière grandeur
Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche
A la langue d'ambre et de verre frottés
Ma femme à la langue d'hostie poignardée
A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
A la langue de pierre incroyable
Ma femme aux cils de bâtons d'écriture d'enfant
Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle
Ma femme aux tempes d'ardoise de toit de serre
Et de buée aux vitres
Ma femme aux épaules de champagne
Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace
Ma femme aux poignets d'allumettes
Ma femme aux doigts de hasard et d'as de coeur
Aux doigts de foin coupé
Ma femme aux aisselles de martre et de fênes
De nuit de la Saint-Jean
De troène et de nid de scalares
Aux bras d'écume de mer et d'écluse
Et de mélange du blé et du moulin
Ma femme aux jambes de fusée
Aux mouvements d'horlogerie et de désespoir
Ma femme aux mollets de moelle de sureau
Ma femme aux pieds d'initiales
Aux pieds de trousseaux de clés aux pieds de calfats qui boivent
Ma femme au cou d'orge imperlé
Ma femme à la gorge de Val d'or
De rendez-vous dans le lit même du torrent
Aux seins de nuit
Ma femme aux seins de taupinière marine
Ma femme aux seins de creuset du rubis
Aux seins de spectre de la rose sous la rosée
Ma femme au ventre de dépliement d'éventail des jours
Au ventre de griffe géante
Ma femme au dos d'oiseau qui fuit vertical
Au dos de vif-argent
Au dos de lumière
A la nuque de pierre roulée et de craie mouillée
Et de chute d'un verre dans lequel on vient de boire
Ma femme aux hanches de nacelle
Aux hanches de lustre et de pennes de flèche
Et de tiges de plumes de paon blanc
De balance insensible
Ma femme aux fesses de grès et d'amiante
Ma femme aux fesses de dos de cygne
Ma femme aux fesses de printemps
Au sexe de glaïeul
Ma femme au sexe de placer et d'ornithorynque
Ma femme au sexe d'algue et de bonbons anciens
Ma femme au sexe de miroir
Ma femme aux yeux pleins de larmes
Aux yeux de panoplie violette et d'aiguille aimantée
Ma femme aux yeux de savane
Ma femme aux yeux d'eau pour boire en prison
Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache
Aux yeux de niveau d'eau de niveau d'air de terre et de feu.



André Breton, Clair de terre (1931)

lundi 16 janvier 2012

Don du poème

Je t'apporte l'enfant d'une nuit d'Idumée !
Noire, à l'aile saignante et pâle, déplumée,
Par le verre brûlé d'aromates et d'or,
Par les carreaux glacés, hélas ! mornes encor
L'aurore se jeta sur la lampe angélique,
Palmes ! et quand elle a montré cette relique
A ce père essayant un sourire ennemi,
La solitude bleue et stérile a frémi.

Ô la berceuse, avec ta fille et l'innocence
De vos pieds froids, accueille une horrible naissance
Et ta voix rappelant viole et clavecin,
Avec le doigt fané presseras-tu le sein
Par qui coule en blancheur sibylline la femme
Pour des lèvres que l'air du vierge azur affame ?

Stéphane MALLARME (1842-1898)

vendredi 13 janvier 2012

MA BOHÊME (Fantaisie)






Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
— Petit Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse ;
— Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

Rimbaud, Octobre 1870.

jeudi 12 janvier 2012

ÉBLOUISSEMENT

La Nuit, sur le grand mystère ,
Entrouvre ses écrins bleus:
Autant de fleurs sur la terre
Que d'étoiles dans les cieux!

On voit ses ombres dormantes
S'éclairer, à tous moments,
Autant par les fleurs charmantes
Que par les astres charmants. 

Moi, ma nuit au sombre voile
N'a, pour charme et pour clarté,
Qu'une fleur et qu'une étoile:
Mon amour et ta beauté!


Villiers de l'Isle-Adam: Conte d'amour

Mis en musique par Fauré:

mercredi 11 janvier 2012

Le bestiaire ou Cortège d'Orphée


A Elémir Bourges
Orphée
Admirez le pouvoir insigne
Et la noblesse de la ligne :
Elle est la voix que la lumière fit entendre
Et dont parle Hermès Trismégiste en son Pimandre.
La tortue
Du Thrace magique, ô délire !
Mes doigts sûrs font sonner la lyre.
Les animaux passent aux sons
De ma tortue, de mes chansons.
Le cheval
Mes durs rêves formels sauront te chevaucher,
Mon destin au char d'or sera ton beau cocher
Qui pour rênes tiendra tendus à frénésie,
Mes vers, les parangons de toute poésie.
La chèvre du Thibet
Les poils de cette chèvre et même
Ceux d'or pour qui prit tant de peine
Jason, ne valent rien au prix
Des cheveux dont je suis épris.
Le serpent
Tu t'acharnes sur la beauté.
Et quelles femmes ont été
Victimes de ta cruauté !
Eve, Eurydice, Cléopâtre ;
J'en connais encor trois ou quatre.
Le chat
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
Le lion
O lion, malheureuse image
Des rois chus lamentablement,
Tu ne sais maintenant qu'en cage
A Hambourg, chez les Allemands.
Le lièvre
Ne soit pas lascif et peureux
Comme le lièvre et l'amoureux.
Mais que toujours ton cerveau soit
La hase pleine qui conçoit.
Le lapin
Je connais un autre connin
Que tout vivant je voudrais prendre.
Sa garenne est parmi le thym
Des vallons du pays de Tendre.
Le dromadaire
Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d'Alfaroubeira
Courut le monde et l'admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j'avais quatre dromadaires.
La souris
Belles journées, souris du temps,
Vous rongez peu à peu ma vie.
Dieu ! Je vais avoir vingt-huit ans,
Et mal vécus, à mon envie.
L'éléphant
Comme un éléphant son ivoire,
J'ai en bouche un bien précieux.
Pourpre mort !.. J'achète ma gloire
Au prix des mots mélodieux.
Orphée
Regardez cette troupe infecte
Aux mille pattes, au cent yeux :
Rotifères, cirons, insectes
Et microbes plus merveilleux
Que les sept merveilles du monde
Et le palais de Rosemonde !
La chenille
Le travail mène à la richesse.
Pauvres poètes, travaillons !
La chenille en peinant sans cesse
Devient le riche papillon.
La mouche
Nos mouches savent des chansons
Que leur apprirent en Norvège
Les mouches ganiques qui sont
Les divinités de la neige.
La puce
Puces, amis, amantes même,
Qu'ils sont cruels ceux qui nous aiment !
Tout notre sang coule pour eux.
Les bien-aimés sont malheureux.
La sauterelle
Voici la fine sauterelle,
La nourriture de saint Jean.
Puissent mes vers être comme elle,
Le régal des meilleures gens.
Orphée
Que ton coeur soit l'appât et le ciel, la piscine !
Car, pêcheur, quel poisson d'eau douce ou bien marine
Egale-t-il, et par la forme et la saveur,
Ce beau poisson divin qu'est JESUS, Mon sauveur ?
Le dauphin
Dauphins, vous jouez dans la mer,
Mais le flot est toujours amer.
Parfois, ma joie éclate-t-elle ?
La vie est encore cruelle.
Le poulpe
Jetant son encre vers les cieux,
Suçant le sang de ce qu'il aime
Et le trouvant délicieux,
Ce monstre inhumain, c'est moi-même.
La méduse
Méduses, malheureuses têtes
Aux chevelures violettes
Vous vous plaisez dans les tempêtes,
Et je m'y plais comme vous faites.
L'écrevisse
Incertitude, ô mes délices
Vous et moi nous nous en allons
Comme s'en vont les écrevisses,
A reculons, à reculons.
La carpe
Dans vos viviers, dans vos étangs,
Carpes, que vous vivez longtemps !
Est-ce que la mort vous oublie,
Poissons de la mélancolie.
Orphée
La femelle de l'alcyon,
L'Amour, les volantes Sirènes,
Savent de mortelles chansons
Dangereuses et inhumaines.
N'oyez pas ces oiseaux maudits,
Mais les Anges du paradis.
Les sirènes
Saché-je d'où provient, Sirènes, votre ennui
Quand vous vous lamentez, au large, dans la nuit ?
Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées
Et mes vaisseaux chantants se nomment les années.
La colombe
Colombe, l'amour et l'esprit
Qui engendrâtes Jésus-Christ,
Comme vous j'aime une Marie.
Qu'avec elle je me marie.
Le paon
En faisant la roue, cet oiseau,
Dont le pennage traîne à terre,
Apparaît encore plus beau,
Mais se découvre le derrière.
Le hibou
Mon pauvre coeur est un hibou
Qu'on cloue, qu'on décloue, qu'on recloue.
De sang, d'ardeur, il est à bout.
Tous ceux qui m'aiment, je les loue.
Ibis
Oui, j'irai dans l'ombre terreuse
O mort certaine, ainsi soit-il !
Latin mortel, parole affreuse,
Ibis, oiseau des bords du Nil.
Le boeuf
Ce chérubin dit la louange
Du paradis, où, près des anges,
Nous revivrons, mes chers amis,
Quand le bon Dieu l'aura permis.

Apollinaire 1911

mardi 10 janvier 2012

A gorge dénouée

Accouplé à la peur
comme Dieu à l’odieux
le cou engendre le couteau
et le Coupeur de têtes
suspendu entre la tête et le corps
comme le crime
entre le cri et la rime
Accouplé à la peur 
comme le cri au crime
le cou engendre le couteau
et le Coupeur de têtes
suspendu entre ma tête et son corps
comme l’égorgeur à la gorge
Accouplé à la peur
comme la boue à la bouche
le cou engendre le couteau
et le Coupeur de têtes
suspendu entre sa tête et mon corps
comme la terreur à l’erreur
Accouplé à la peur
comme le sacré au massacre
le cou engendre le couteau
et le Coupeur de têtes
suspendu entre sa tête et son corps
comme le corbeau
entre le cor et le beau
Accouplé à la peur
comme les larmes
entre mon initiale et ses armes
le cou engendre le couteau
et le Coupeur de têtes
suspendu entre ma tête et mon corps
comme la vie dans le vide
accouplé à la peur
entre la vie et le vide
le cou engendre le couteau
et le Coupeur de têtes
suspendu entre la tête et le corps
éclate de mou rire



Ghérasim Luca (1913–1994)

lundi 9 janvier 2012

La bonne vie


Je suis né comme un vieux
Je suis né comme un porc
Je suis né comme un dieu
Je suis né comme un mort
Ou ne valant pas mieux

J’ai joui comme un porc
J’ai joui comme un vieux
J’ai joui comme un mort
J’ai joui comme un dieu
Sans trouver cela mieux

J’ai souffert comme un porc
J’ai souffert comme un vieux
J’ai souffert comme un mort
J’ai souffert comme un dieu
Et je n’en suis pas mieux

Je mourrai comme un vieux
Je mourrai comme un porc
Je mourrai comme un dieu
Je mourrai comme un mort
Et ce sera tant mieux

Roger Gilbert-Leconte, 
La Vie, l’Amour, la Mort, le Vide et le Vent (1933)

vendredi 6 janvier 2012

La terre est bleue comme une orange...



La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.

Paul ELUARD, L'Amour la poésie (1929)

jeudi 5 janvier 2012

Moins de temps (1924)

Moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, moins de larmes qu’il n’en faut pour mourir; j’ai tout compté, voilà. J’ai fait le recensement des pierres ; elles sont au nombre de mes doigts et de quelques autres; j’ai distribué des prospectus aux plantes, mais toutes n’ont pas voulu les accepter. Avec la musique j’ai lié partie pour une seconde seulement et maintenant je ne sais plus que penser du suicide, car si je veux me séparer de moi-même, la sortie est de ce côté et, j’ajoute malicieusement: l’entrée, la rentrée de cet autre côté. Tu vois ce qui te reste à faire. Les heures, le chagrin, je n’en tiens pas un compte raisonnable; je suis seul, je regarde par la fenêtre ; il ne passe personne, ou plutôt personne ne passe (je souligne passe). Ce Monsieur, vous ne le connaissez pas ? c’est M. Lemême. Je vous présente Madame Madame. Et leurs enfants. Puis je reviens sur mes pas, mes pas reviennent aussi, mais je ne sais pas exactement sur quoi ils reviennent. Je consulte un horaire : les noms de villes ont été remplacés par des noms de personnes qui m’ont touché d’assez près. Irai-je à A, retournerai-je à B, changerai-je à X ? Oui, naturellement, je changerai à X. Pourvu que je ne manque pas la correspondance avec l’ennui! Nous y sommes : l’ennui, les belles parallèles, ah! que les parallèles sont belles sous la perpendiculaire de Dieu.

André Breton: Poisson soluble (1924)

mardi 3 janvier 2012

Tout doit être réinventé


Si en exécutant cet acte simple :
humer la chevelure de l’aimée
on ne risque pas sa vie
on n’engage pas son destin
du dernier atome de son sang
et de l’astre le plus lointain

si dans ce fragment de seconde
où l’on exécute n’importe quoi
sur le corps de l’aimée
ne se résolvent pas dans leur totalité
nos interrogations, nos inquiétudes
et nos aspirations les plus contradictoires

alors l’amour est en effet
ainsi que le disent les porcs
une opération digestive
de propagation de l’espèce

Pour moi les yeux de l’aimée
sont tout aussi graves et voilés
que n’importe quel astre
et c’est en des années-lumière
qu’on devrait mesurer les radiations
de son regard

On dirait que la relation de causalité
entre les marées
et les phases de la lune
est moins étrange
que cet échange de regards (d’éclairs)
où se donnent rendez-vous
comme dans un bain cosmique
mon destin
et celui de l’univers tout entier

Si j’avance ma main
vers le sein de l’aimée
je ne suis pas étonné
de le voir soudain
couvert de fleurs

ou que tout à coup il fasse nuit
et qu’on m’apporte une lettre cachetée
sous mille enveloppes

Dans ces régions inexplorées
que nous offrent continuellement
l’aimée

l’aimée, le miroir, le rideau
la chaise

j’efface avec volupté
l’œil qui a déjà vu
les lèvres qui ont déjà embrassé
et le cerveau qui a déjà pensé
telles des allumettes
qui ne servent qu’une seule fois

Tout doit être réinventé